Égypte : le pouvoir politique de l'armée retrouvé

6 Août 2013



En écartant l’ex-président Morsi du pouvoir, l’armée égyptienne a non seulement chassé les Frères musulmans du pouvoir, mais elle a réussi à rétablir son image au sein de la population égyptienne. Les dirigeants de l’armée, avec à leur tête le général Sissi, ont exploité la chute de la popularité des Frères musulmans et l’unité sans précédent de l’opposition pour se réintroduire sur la scène politique et diplomatique du pays.


Crédit photo -- AFP / Mahmud Hams
Crédit photo -- AFP / Mahmud Hams
Avec la destitution du président Morsi, marquant la fin de l'influence des Frères musulmans sur le pouvoir de ce dernier, nul ne doute que l’armée égyptienne a repris les commandes du pays, inaugurant ainsi une énième « nouvelle phase transitoire ». Une prise de pouvoir qui s'affirme, en témoigne la nomination à la Présidence « par intérim » de Adli Mansour, sans qu’aucune élection préalable ne soit organisée. L'institution militaire se permettant même le luxe de procéder à la « réintégration » de plusieurs figures de l' ancien gouvernement, celui de Hosni Moubarak – des promulgations politiquement impossibles, il y a encore quelques semaines.

Le général Sissi, quant à lui, déjà à la tête du Ministère de la Défense, a eu une nouvelle promotion, vice-Premier ministre de nouveau gouvernement. L'armée comme cœur de la nouvelle politique transitoire compte bien tenir le rôle central quant à l’avenir politique et diplomatique de l’Égypte. Faute de meilleur espoir, la rue égyptienne s'est apaisée, pour un temps… L'armée bénéficiant même d'appuis populaires, un regain de confiance s'étant manifesté par l’ampleur des manifestations contre le terrorisme qui ont été organisées, suite à l’appel du général Sissi.

Cancer de sa révolution, l'Égypte souffre depuis de longs mois de son paysage politique morcelé et idéologiquement malade. Le seul remède, offrant les sécurités d'unité et de légitimité, est l'armée. Une partie de la rue s'étant résigné à l'unique conviction que « l’armée égyptienne doit se lever et diriger le pays. Elle est la seule à pouvoir contrôler le régime égyptien. Les partis d’opposition et les Frères musulmans ne peuvent pas gérer le pays » . Un sentiment que l’institution militaire exploite.

Sur le plan international, le retour de l'armée au pouvoir, ne manque pas de soulever les inquiétudes et la méfiance. C'est l'ensemble des cartes diplomatiques et commerciales qui sont redistribuées. Réduisant à néant les orientations politiques et géostratégiques mises en place, les projets établis jusqu’ici par les Frères musulmans et leurs partenaires, notamment le rapprochement avec le Qatar (plus de 2 milliards de dollars injectés par l'émirat en dotation, par le biais de la Banque Centrale Égyptienne) ou le rétablissement des liens avec l’Iran - avec la multiplication des visites diplomatiques, ainsi que l’augmentation des aides financières iraniennes en faveur de l’Égypte.

Un virage diplomatique, un nouvel équilibre ?

Ces voltes-face diplomatiques devraient bénéficier au retour des alliés traditionnels comme l’Arabie Saoudite (qui a promis 5 milliards de dollars d’aide), les Émirats Arabes Unis ( qui partagent de très bonnes relations avec les dirigeants de l‘armée égyptienne) ou encore aux les États-Unis, principal fournisseur militaire de l’Égypte avec plus d’un milliard de dollars d’aide annuelle.

En outre, le retour aux affaires de l’armée ne peut que réjouir Israël, car cette situation aura, sans doute, un impact positif sur le maintien de la paix et des accords de Camp David, étant donné que l’État hébreu établit des rapports de confiance avec le régime militaire égyptien. Ainsi, ce retournement diplomatique constitue, en quelque sorte, un redressement stratégique susceptible de rendre au pays sa valeur diplomatique en tant que pivot régional incontournable.

De tous ces éléments, il apparaît que l’armée a réussi son « come back » sur la scène politique égyptienne du moins dans cette période de transition. Elle est de plus en plus populaire, mais doit faire face à plusieurs défis économiques, politiques, sécuritaires et stratégiques très importants. Le dossier le plus brûlant étant celui de la gestion de la « frustration » des Frères musulmans, avec qui, l'armée doit très vite trouver un compromis, afin d’éviter une nouvelle révolution dont les répercussions seraient, cette fois, beaucoup plus aléatoires que les précédentes.

Notez


Mehdi RAIS
Doctorant en Relations et Droit Internationaux à l'Université de Rabat (Maroc) et membre du Centre... En savoir plus sur cet auteur